Pendant le confinement, j’ai vu fleurir sur les réseaux sociaux des injonctions à rentabiliser ce temps mais aussi de nombreux jugements. Un exemple : « si tu n’as pas profité du confinement pour apprendre quelque chose de nouveau, pour cuisiner, etc., ce n’est pas que tu manques de temps mais de discipline ». On va pas dire que t’es une grosse feignasse, mais un peu quand même.
Ou encore : « ta maison devrait être le meilleur endroit du monde, si tu ne supportes pas d’y rester deux mois enfermé(e) avec tes enfants et ton/ta partenaire, remets en question tes choix de vie ». Oui bien sûr. Parce qu’il est évident qu’en ayant des enfants ou en te mettant en couple, il fallait que tu anticipes de rester enfermé avec eux 24h/24 pendant deux mois, dans un climat anxiogène. Si t’as pas anticipé ça et que tu le supportes mal, t’es une mauvaise mère ou un mauvais père. Et si t’étais en couple et que tu supportais mal ton/ta chérie pendant cette période, ben quitte-le, quitte-la.
Non. Je ne suis pas d’accord avec ces injonctions ni ces jugements, pour plusieurs raisons.
- Ces jolies petites phrases oublient qu’il y a des personnes qui travaillaient, et pour beaucoup, qui ont fait plus d’heures qu’avant.
- Elles oublient aussi que certaines personnes vivent dans des conditions insalubres, entassées dans de minuscules logements.
- C’était pas des vacances. C’était un confinement forcé fait pour nous sauver la vie et sauver celles des autres. C’était une privation de liberté nécessaire mais subie.
- On est en pleine pandémie. Des milliers de morts dans le monde entier, les aéroports qui ferment, les magasins qui ferment, l’économie mise en danger pour sauver des vies… Qui a déjà vu ça ? Celles et ceux qui ont vécu la guerre ? Ça, c’est un bon gros climat anxiogène. De l’anxiété. Du stress. Penser qu’il est possible d’apprendre la physique quantique alors que le niveau d’anxiété est au plus haut, c’est non seulement manquer d’empathie mais en plus de connaissances en neurosciences (on apprend très très mal sous la pression, ça marche pas).
- Tout le monde n’est pas fait pour rester chez soi ou pour rester 24h/24 avec ses proches ! Il y a des gens casaniers qui ont apprécié ce moment et des gens plus remuants qui l’ont mal supporté. Il y a des mères et des pères qui apprécient de passer beaucoup de temps avec leur(s) enfant(s) et d’autres qui apprécient d’en passer moins. Est-ce ça signifie qu’ils et elles aiment moins leurs enfants ? Non. On peut aimer quelqu’un et avoir envie/besoin de passer peu de temps avec. Sans même parler de la grande différence entre quantité et qualité ! Il y a des gens plus solitaires que d’autres et qui ont besoin, pour leur équilibre psychique, d’avoir de longs moments seuls. Est-ce que c’est bien ou mal ? Ni l’un ni l’autre, c’est comme ça, point. Certaines personnes ont besoin de manger plus de légumes que d’autres, on les blâme pas pour autant !
- Qui a dit qu’il fallait rentabiliser ce temps ? Pour quelle raison ?
De nombreuses personnes ont profité du confinement pour apprendre de nouvelles choses, bricoler, cuisiner, coudre… Et c’est super ! D’autres n’ont rien fait. Coincées par l’anxiété, limitées par leurs moyens financiers ou tout simplement parce qu’elles n’en avaient pas envie. Une question chère à la thérapie d’impact : pourquoi il faut rentabiliser ce confinement ? Pourquoi c’est obligatoire ? Qui l’ordonne ?
Alors si tu n’as « rien » fait (il faudrait encore définir ce « rien ») pendant le confinement, c’est ok. T’aurais voulu faire des choses et tu n’as pas réussi ? Plutôt que de te blâmer, cherche à comprendre pourquoi : trop d’anxiété, manque d’envie, de motivation (sachant que ça peut venir d’un trop-plein d’anxiété !) ? Peut-être que tu n’auras pas de réponse.
Si tu as mal supporté d’être avec tes proches, il est bon de se poser des questions, mais il est bien meilleur d’avoir la réponse juste ! Peut-être que ce confinement est le révélateur que ton couple, ta vie de famille ne te convient pas, qu’il y a des changements à faire. Ou peut-être que c’est seulement que supporter leur présence continuelle pendant des jours et des jours sans échappatoire c’était trop pour toi ! Que tu as besoin d’un peu plus de solitude. Cette réponse-là ne remet pas en cause tes choix et ta vie de famille. Même si t’en pouvais plus. Même si t’avais vraiment très envie de les abandonner. A toi de voir quelle est la réponse pour toi !
Pour résumer : tu n’as pas appris quelque chose de nouveau pendant le confinement ? C’est ok. T’avais le droit. Tu as mal supporté de vivre 24h/24 avec tes enfants, ton mari, ta femme, tes parents ? C’est ok. T’as le droit de les aimer et de pas les supporter aussi longtemps.
Et si on arrêtait de se juger et de juger les autres ? 😉